L'Université des Arts de Tokyo avait un partenariat avec Hosei pour la création des décors des plateaux de tournage. Cela faisait déjà un moment que la classe d'arts graphiques de Chisato travaillait sur les décors de Sing Out Loud, mais c'était la première fois qu'on lui demandait de vraiment entrer sur le plateau pour installer et continuer de peindre.
Chisato avait sorti ses affaires, vêtue d'une salopette en jean et un tee-shirt blanc, nageant dans ces vêtements, cheveux attachés tombant sur son épaule droite. Ses pinceaux, pots de peinture, croquis et schémas du décor final gisaient sur une bâche en plastique protégeant le sol du plateau, et elle peignait avec soin juchée sur un escabeau.
Rui était sensé l'aider, mais il avait dû se désister à la dernière minute, sans dire pourquoi. Sans doute Mamiko l'avait-elle appelé. Chisato fit la moue à cette idée. Elle se retrouvait toute seule pour peindre le décor et avait un peu peur de rater, alors qu'avec Rui, ça aurait été plus vite, et surtout, ça aurait été parfait.

Chisato posa son pinceau sur le support à terre en descendant de son escabeau pour prendre du recul et admirer le décor avec le bon éclairage. C'était satisfaisant. Pas parfait, mais Rui corrigerait les quelques erreurs encore présentes la prochaine fois.
Elle se retourna pour voir l'équipement électronique du tournage installé sur un côté du plateau. Surtout des micros à pieds, quelques caméras, des amplis, quelques micros de tête posés sur un meuble. Chisato se surprit à avoir une idée saugrenue.
Elle saisit timidement un micro, regardant bien si personne n'était là - elle était seule sur le plateau depuis deux heures, personne n'entrerait en trois minutes supplémentaires. Puis elle mit son mp3 à fond, fourra les oreillettes dans ses oreilles, et activa le mode shuffle.

Une chanson commença : Koi no Onawa, de la Team Z des AKB48. Chisato commença à bouger au rythme de la musique, dans le coin de la scène sans bâche ni accessoires de peinture, habillée comme une mécanicienne, couverte de tâches de peinture sur sa salopette.
Dansant de plus en plus frénétiquement, elle fit par littéralement se prendre pour une idole, saisissant le micro, et chantant sur la chanson comme si elle y était.
A vrai dire, Chisato ne chantait pas mal ; elle avait une vois aigüe et nasillarde mais pas fausse. Sa chorégraphie était très hasardeuse, et elle bougeait avec dynamisme mais un peu aléatoirement.
Vers la fin de la chanson, elle entendit alors une porte claquer. Surprise, elle trébucha, pour marcher violemment sur un de ses pinceaux qui, par effet de catapulte, vola pour s'écraser sur son nez, lui laissant une belle trace rouge sur le visage. « Haaaaa- haaa, oh, gomen- »

En fait, je n'ai rien vu. Je t'assure, je ne t'ai pas vue te trémousser devant le micro de l’émission au lieu de remplir ta tache qui semble être, a première vu, d'un ennuis mortel en solo. Ne bouge pas Hiroki. Surtout, ne bouge pas. Ce n'est pas comme si tu avais vu ce que tu viens de voir... Peut-être que ce n'est qu'une hallucination, mais en tous cas, ne dit pas un mot. Ce n'est pas un sentiment de culpabilité... Quoique si. Être au mauvais endroit au mauvais moment, c'est le sentiment qui m'envahit. En temps normal, j'aurais rit mais là, je me contente écarquiller les yeux comme si quelqu'un avait été pris la main dans le sac... Et ce quelqu'un c'est bel et bien moi!

La porte avait claqué. J'avais oublié ce détail, et du coup je ne l'avais pas retenu. Étant donné que ma présence avait été signalé par mon manque de jugeote je n'avais plus qu'a créer un vilain mensonge pour ne pas qu'on sache que j'étais là. D'ailleurs pourquoi j'étais là?... Ah oui, la curiosité... Foutu sentiment qui m'avait mené ici malgré l'interdiction formelle d'un de mes professeurs ; « Hiroki, il vaudrait mieux pour toi que personne ne te surprennes sur le plateau. N'approche pas de l'aile Est ! ». Très mauvaise idée de m'avouer ou se trouvait le plateau de l’émission. Aile est hein? Je n'ai rien entendu, ne vous en faites pas... Avouez que le plateau de cette future émission est un grand mystère et il est difficile de résister à la tentation de venir voir et découvrir en avant première les lieux. Après tout j'étais un des plus grand fan alors, ils n'avaient pas le droit de m'interdire de venir voir... Voilà. Je suis une sorte de VIP.

Fini la discussion avec la conscience. J'ai d'autres chats à fouetter. Toi. Qui es tu.... Pourquoi tu es là d'ailleurs? Petit froncement de sourcils, tandis que je la dévisage. enfin une expression un peu plus adéquat à la situation me direz vous, cet air béat que j'ai affiché devait paraître ridicule. C'est toi la coupable, je n'ai rien a me reprocher, en plus tu t'es excusé... En gros, tu n'a rien a faire là non plus. Peut-être qu'on pourrait s'allier, même si ton uniforme et cette marque sur le visage trahis le poste qu'on t'a attitré. ah oui c'est vrai. J'avais presque oublier qu'elle s'occupait des décors, d'ailleurs ces petits monstres étaient les seuls à avoir accès au plateau avant le lancement de l'émission. Par conséquent... Je suis bel et bien le seul intrus dans cette pièce.

« Eto.... Tu ... »

D'un geste bref, je montre mon visage afin de lui signaler sa grosse marque rouge sur le visage. Peut-être qu'avec un peu de chance, la demoiselle en bleu de travail ignore les restrictions...

« Pas mal !...Je veux dire... Le lancer de pinceaux avec le pied. C'était classe ! »

Dans le genre "je trouve des sujets de discussions nul quand je suis coupable", je dois probablement avoir la médaille d'or.

Dans ce genre de situation le malaise est partagé. D'autant plus quand cette pauvre fille surprise en train de s'amuser semble encore plus paniquer lorsqu'elle remarque la peinture sur son nez. Mais non n’essuie pas comme ça voyons. Voilà, trop tard. en voilà partout sur le visage. de loin on aurait pût croire qu'elle rougissait mais lorsque je m'avance de quelques pas, la peinture rouge me saute aux yeux. Pas de chance. Tandis qu'elle se présente, je n'arrive pas a effacer ce sourire de mes lèvres. La situation est comique, dans le sens que c'est moi qui devrais m'excuser et non elle, mais jusque là elle ne semble pas avoir tilté. « Ono Chisato » c'est donc comme ça qu'elle s'appelle. Et elle s'occupe des décors. Mon sourire s'agrandit. Je n'aurais pas pût tomber mieux. Tomber mieux car là, je pourrais donner mon avis et donc participer à l'élaboration des décors d'une de mes émissions favorite... Plus tard je pourrais dire à mes enfants : C'est papa qui a participé.
Jusque là silencieux, je me contente de répondre à sa remarque sur " je n'ai pas d'excuse pour expliquer ma présence ".
« T'en fais pas. J'suis pas flic, ou du moins pas encore. »
Sous entendre que je voulais être policier? Quelle idée grotesque. Je l'observe s'agiter, probablement un moyen de déstresser un peu. Profitant de son inattention, je laisse glisser mon sac sur mon avant bras pour tirer une bouteille d'eau et un paquet de mouchoir. Cependant, lorsque cette petite Chisato s'adresse de nouveau à moi, je garde la main dans le sac, quelque peu surpris. Hiroki... Comment pouvais tu penser qu'elle retournerait si vite a sa besogne, voyons? Petite mou lorsque je relève la tête, voilà qu'elle me parle de décor et d'éclairage. Quel idiot, en entrant je n'avais même pas jeter un coup d'oeil aux décors pour lesquels j'étais venu. Flashback : Hiroki entre, Hiroki vois la fille, Hiroki surpris, Hiroki lâche la porte, Hiroki repéré. Sans Sans même prêter garde a ces gestes, mon regard se tourne sans se faire de nouveau prier vers le décor que cette demoiselle avait préparer. Ayant toujours été un grand fan, j'aurais en temps normal sauté de joie en hurlant que c'était magnifique mais mon avis comptait !... Sauf qu je n'avais aucune idée sur un truc à ajouter ou modifier mis part l'éclairage qu'elle avait cité. Croisant les bras après avoir attrapé le paquet et la bouteille dans une de mes mains, mon air sérieux est bien trompeur.
« Tu... Devrais voir avec la prod' pour les projecteurs. »
Croyez vous vraiment que je vais sauter de joie devant une parfaite inconnue? Ça risquerait probablement de nous rendre mal a l'aise tous les deux. Mais pas satisfaite de quoi? Après tout, c'était parfait... Mais le dire l'empêcherait de se surpasser. Finalement, c'est vers elle que mon regard se tourne. Traversant la salle en évitant les pots de peintures et obstacles en tout genre, une fois en face d'elle je lui tend tout mon armada que je tiens en main afin qu'elle puisse se nettoyer facilement. Tout en souriant, voilà que viens mon tour pour me présenter ;
« Abe Hiroki desu. Hajimemashite! »
Et puis, au cas ou elle n'aurait pas compris la raison pour laquelle je tendais tout ça, j'en viens à ajouter d'un air taquin ;
« tu as toujours de la peinture sur toi, et cette fois bien étalée ! D'ailleurs pendant un moment j'ai crû que tu rougissais... »
Comment agacer encore plus une fille. L'art de la discussion vu par Hiroki.